Tran Thi Bich Ngoc est une productrice de cinéma vietnamienne reconnue, réputée pour sa capacité à raconter des histoires puissantes et captivantes. Parmi ses œuvres récentes figure l’œuvre « Glorious Ashes » de Bui Thac Chuyen, qui représentera le Vietnam aux Oscars 2024 dans la catégorie du meilleur film international. Ce drame rural a fait ses débuts mondiaux en 2022, marquant une étape historique en tant que premier film vietnamien à être sélectionné pour la compétition principale du Festival international du film de Tokyo.
Un an après, Ngoc a été sollicitée pour être membre du jury de ce même concours, sous la direction du réalisateur allemand Wim Wenders. Même si Ngoc s’est fait un nom comme productrice à succès, elle n’hésite pas à partager sa vision sur l’industrie cinématographique en cours d’évolution au Vietnam. Cette scène émergente est alimentée par des talents locaux, des réalisateurs dotés d’une vision unique et d’un public avide de films nationaux. Malheureusement, la piraterie reste un problème persistant pour l’industrie. Nous avons discuté avec Ngoc des défis à surmonter pour bâtir une industrie prospère au Vietnam.
La pandémie de Covid a eu un impact sur le secteur du cinéma, mais l’industrie vietnamienne s’est bien rétablie. La box-office 2023 a rapporté plus de 40,8 millions de dollars pour les 5 meilleurs films locaux, contre 36,7 millions de dollars pré-Covid en 2019. C’est la preuve que le public tient à soutenir les productions nationales. Cependant, le nombre de films produits a diminué, passant de 42 films pré-pandémie à seulement 27 en 2023.
Concernant l’industrie cinématographique vietnamienne dans le contexte mondial, le Vietnam a été reconnu à l’échelle internationale en 2023 grâce à « Inside the Yellow Cocoon Shell » de Pham Thien An, qui a reçu la Caméra d’Or au Festival de Cannes, et au documentaire « Children of the Mist » de Ha Le Diem, sélectionné pour les Oscars. Le Vietnam a également apporté des modifications législatives positives pour l’industrie du film en 2023. Le premier Festival du film asiatique de Danang a eu lieu en mai précédent et connaîtra sa deuxième édition en juillet 2024.
Le piratage numérique constitue une menace importante pour l’industrie du cinéma vietnamienne. Le Vietnam figure sur la liste de surveillance prioritaire de l’Alliance internationale de la propriété intellectuelle (IIPA) pour les violations de la propriété intellectuelle. Il est essentiel de fonder l’expansion de l’industrie sur le respect des droits d’auteur. Pour ce faire, il est crucial de comprendre comment le Vietnam lutte contre le piratage numérique et comment colmater les lacunes existantes. Le gouvernement a apporté des améliorations positives avec l’adoption de la loi sur la propriété intellectuelle en 2022.
Mais pour mettre en œuvre efficacement la loi, il faut une collaboration de tous les secteurs. La majorité des gens optent encore pour le « xem chùa » (regarder gratuitement). Les cinéastes et producteurs ne se manifestent généralement que lorsque leurs propres films sont piratés. Leurs voix restent fragmentées et manquent d’unité. Il est donc difficile d’exercer une pression suffisante pour faire respecter efficacement le droit d’auteur.
En outre, la protection du droit d’auteur va au-delà de l’application des lois. Il est également nécessaire d’éduquer le public sur l’importance de la propriété intellectuelle et sur les conséquences du piratage. Cela nécessite des campagnes d’information et d’éducation à long terme dans les écoles et les universités. Par ailleurs, il est crucial d’inclure les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dans cette campagne.
C’est une tâche énorme, mais nécessaire pour soutenir l’essor de l’industrie créative du Vietnam. Il faudra une collaboration solide entre tous les secteurs pour y parvenir. Cette interview est juste le début d’une série de discussions avec des réalisateurs de la région Asie-Pacifique sur leur travail, mettant l’accent sur la protection du contenu et la sauvegarde de leur travail et de leurs moyens de subsistance.