La zone d’intérêt en vedette, critiques de la menace cinématographique
19. février 2024
La zone d’intérêt est un portrait du commandant d’Auschwitz Rudolf Hoss (Christian Friedel) basé sur le roman du même nom de Martin Amis. Le roman d’Amis a remplacé les poupées à peine fictives par le vrai Hoss et sa famille. Pourtant, Glazer a inversé cette approche et a abandonné la fiction du livre, comme une liaison entre un officier coureur de jupons et la femme du commandant, au profit d’une étude exigeante des personnages historiques. Même si l’on y ajoute l’avertissement prudent selon lequel il reste une œuvre de fiction, « non basée sur une personne vivante ou décédée ».
Hoss était un nazi dévoué et un fervent architecte de la solution finale d’Hitler. Le film se déroule principalement entre 1943 et 1944, lorsqu’il fut promu pour superviser une augmentation massive des transports de prisonniers depuis la Hongrie, équivalant à une liquidation concertée et rapide des ennemis internes du nazisme. C’est à cela que nous assistons dans le film d’horreur de Glazer, comme un marginal envoûtant dans la vie quotidienne d’une famille par ailleurs normale.
Le principal volet dramatique se concentre sur la promotion de Hoss et le malheur qu’elle provoque chez sa femme Hedwige (Sandra Hüller), qui s’est attachée à leur vie confortable. Dans la scène d’ouverture, elle essaie un manteau de fourrure, l’admire dans un miroir puis palpe l’ourlet. Nous passons à un domestique recevant l’ordre de réparer la doublure. Il nous reste à deviner ce qu’Hedwige a arraché et l’histoire de qui l’a caché là avec terreur.
Hedwige est dévastée à l’idée de quitter leur belle maison et son jardin bien aménagé à Auschwitz, une ironie étonnante et sombre et comique étant donné les milliers de prisonniers désespérés qui l’entourent.
Le film de Glazer est marqué par une retenue suprêmement jugée. Les détails de l’extermination sont toujours présents mais souvent rendus dans le cadre de manière si subtile qu’il est presque essentiel de regarder ce film au cinéma, où ces horribles pépites peuvent être plus facilement extraites du flux d’images. Les compositions magistrales de Glazer et de son directeur de la photographie Lukasz Zal ont été tournées en numérique, avec un éclairage naturel et sans musique de fond, de sorte qu’eux et les acteurs ont beaucoup de travail à faire. Une grande partie de la photographie emprunte le trait kubrickien du cadrage central, l’architecture dominant et isolant les acteurs, soulignant le thème tragique de la subordination, qu’il s’agisse des idées ou des fanatiques qui les véhiculent.
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