Si l’aventure d’une « guerre civile » vous attire, le monde du journalisme ne peut plus être ignoré. C’est particulièrement vrai dans un pays qui a connu la montée du fascisme et l’installation de conspirations réactionnaires en réponse à des crises existentielles à répétition. Au cœur de ce « guerre civile », on retrouve une violence dévorante qui consume le pays. Le métier de journaliste est souvent perçu comme la solution à tous ces problèmes, comme si le simple fait de révéler la vérité pouvait tout changer. C’est là une des tensions principales présentes dans cet article passionnant.
Ce film, lucide face à ces propres limites tout en luttant pour les surmonter, propose une réflexion sur le coût humain de ce métier. Il jette également un regard sombre sur l’impact limité que celui-ci pourrait avoir. Le résultat ne ressemble en rien à ce que l’on pourrait s’attendre après le premier aperçu que nous en avons eu.
Au moment de la première bande-annonce, les suppositions ont commencé à pulluler, cherchant à deviner les intentions du scénariste/réalisateur Alex Garland. La Californie et le Texas contre le reste du pays ? Nick Offerman en président ?
Au cœur de ces interrogations reposait l’hypothèse dangereuse selon laquelle un conflit interne était impossible. Et pourtant, c’est bien ce qui se passe. Que l’on soit d’accord ou non avec cette vision, Garland s’en moque. Après tout, il ne cherche pas à expliquer quoi que ce soit. Dans cette optique, la vérité des personnages prime sur tout le reste.
« Civil War » suit un groupe de journalistes. L’actrice expérimentée Kirsten Dunst incarne de manière convaincante et discrète Ellie, une photographe de guerre chevronnée qui a été témoin de plus de morts que beaucoup d’entre nous n’en verront dans toute une vie. À présent, elle doit couvrir un conflit dans son propre pays et comprendre ce que cela signifie.
Au-delà de l’aspect positif de voir le journalisme encore présent dans cet avenir dystopique, le film ne propose pas une image romantique du métier. Se dégage une remise en question de son utilité et du prix qu’il fait payer à ceux qui l’exercent. Ellie se voit épaulée par le jeune photographe en devenir Jesse (interprété par Cailee Spaeny). Elles envisagent de traverser le pays avec leurs collègues Joel (Wagner Moura) et Sammy (Stephen McKinley Henderson) pour interviewer le président (Nick Offerman) avant l’apparente violente fin de son régime.
Parallèlement, la réalité sombre de la violence dans laquelle Jesse se trouve progressivement immergée semble de moins en moins la déranger. Ce changement d’attitude, orchestré avec finesse par Garland, est glacial. « Civil War », loin d’être un blockbuster palpitant, montre plutôt comment ces violences détruisent tout et tout le monde.
Si Garland réussit à capturer la violence intense et la mort avec sa propre caméra, il semble y avoir une certaine froideur, presque déshumanisante. En effet, une question récurrente se pose dans le film : serait-il possible de photographier l’autre en cas de décès ?
Alors que le futur de l’Amérique et du journalisme reste incertain, soumis à la volonté de ceux qui tentent d’exposer la vérité mais également de ceux qui utilisent la violence pour atteindre leurs objectifs, les interrogations quant à l’éthique du journalisme persistent. Un film, aussi bon soit-il, ne pourra pas répondre à toutes ces interrogations existentielles et ne cherche pas non plus à le faire. Ce qu’il peut faire, au milieu du fracas des explosions, c’est de refléter la réalité de manière significative.
Malgré le portrait fragmenté que nous en obtenons, « Civil War » parvient, dans ses derniers instants, à découvrir une vérité laide mais nécessaire dans les décombres de l’ancien monde. A24 sortira « Civil War » en salles le 12 avril.